IL ÉTAIT UNE FOIS...

Je suis né à Londres, le 15 Juin 1761, soit environ une décade après l’arrivée des Tudors sur le trône de notre Angleterre. J’étais le second fils de Thomas Brooks et d’Agnès Tilney, ainsi que le frère ainé de trois petites sœurs. Malheureusement, comme souvent en mon siècle, mon frère ainé et une de mes sœurs moururent nourrissons. Bientôt, mes deux petites sœurs, la jolie Catherine et la gentille Mary furent ma seule fratrie restante. Bien que mon père avait été privé de tout héritage par la loi de primogéniture. Nous ne manquions pas d’or et notre mère, la douce Agnès était une femme aussi pragmatique que maternelle : elle gérait les cordons de la bourse d’une main de banquière italienne ! Mon enfance fut heureuse, comparée à celles des autres enfants. Je ne manquais ni de l’affection de mes parents ni de nourritures matérielles et spirituelles. En cette période de guerre civile, nos parents avaient réussi à maintenir notre famille en dehors des complots – mon père était un homme modeste et discret – tout en cultivant des relations avec des esprits italiens, nous donnant ainsi accès au souffle de renouveau de leur Renaissance si précoce. A dix ans, ma turbulence, ou plutôt devrais-je dire ma curiosité naturelle, me tirait souvent hors du lit la nuit pour regarder les têtes décapitées des « traîtres au nouveau roi ». C’est lors d’une de ces nuits de contemplation des exécutés qu’un incendie, fléau des cités alors abondamment bâties en bois, ravagea notre quartier. En une nuit, je perdis tout. Ma maison, mon héritage, mes souvenirs, ma famille.Je n’ai que de vagues souvenirs des mois qui suivirent. Un ami de la famille me conduisit chez mon oncle, que je ne connaissais que peu. Premier né des Brooks, mon oncle Marshal ne s’entendait pas, parait-il, avec mon père, son frère. Mais devant moi, il n’en laissa jamais rien paraître. Au contraire, il prit soin de moi et m’accueillit comme un fils. Il faut dire qu’à l’âge de dix ans, aux yeux de la société, on n’était plus un enfant mais déjà un adulte miniature.Heureusement pour mon esprit et mon âme meurtris, je pus trouver en mon cousin Jeremiah une présence pleine de compréhension. Malgré nos caractères si différents, nous nous entendions plus que bien. Les mots étaient souvent inutiles entre nous. Nous nous devinions plus que nous nous comprenions. C’était étrange, ça l’est toujours. Jeremiah était la lame tranchante et moi, j'étais le fourreau apaisant. De séparation, il n'a jamais été question. Nous grandîmes, de corps et d'esprit. Je m'intéressais aux recherches de mon père grâce à cet ami de la famille qui avait partagé la passion de mon père de son vivant. Je n'ai pas vu arriver le drame de Jeremiah. Encore aujourd'hui, je m'en veux de ne pas avoir pu le secourir. Ni lui, ni mon père, ni ma mère, ni mes chères petites soeurs... je n'ai jamais pu sauver qui que ce soit. S'il y a un dieu sur cette terre, je le maudis depuis des siècles. Quand j'ai atteint l'âge de 17 ans une femme nommée (voir futur lien) me demanda si je souhaitais d'une vie d'immortel, je lui répondis que je le souhaitais plus que tout au monde, plus rien ne me retenait dans ce monde d'humains.
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